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Un regard en scope sur la guerre d’Algérie

La gare ferroviaire d'Oran filmée en scope par Bily de Bonchamps

En 1959, Bily de Bonchamps est mobilisé en Algérie. Il tourne trois films en 8 mm, carnets de voyage – parfois politiques – d’un soldat face aux vastes paysages qu’il traverse et immortalise en format large.

L’ECPAD est l’agence d’images du ministère des Armées. Elle collecte et conserve depuis de nombreuses années des images amateurs, souvent tournées par des militaires. L’établissement a récemment collecté trois bobines 8 mm en couleurs (Kodachrome) réalisées par Bily de Bonchamps en Algérie à la fin des années 1950. Né le 18 juillet 1935 à Croix (Nord), comme nombre de ses camarades, il effectue son service militaire en Allemagne en 1957 et 1958, plus précisément au 451e groupe d’artillerie antiaérienne légère. De cette expérience, il rapporte un album de photographies qui témoignent de son quotidien en garnison et de sa découverte de villes allemandes.

Entre juillet et novembre 1959, il réalise trois films en Algérie au format 8 mm dont la première singularité réside dans leur recours à l’anamorphose. Adoptant le principe mis au point par Henri Chrétien d’un procédé consistant à comprimer l'image à la prise de vue pour ensuite la désanamorphoser à la projection, Bily de Bonchamps réalise tous ces films au format Scope avec une caméra Paillard Bolex H8 dotée d’un objectif des établissements Benoist Berthiot. Les cartons des films recourent avec insistance au terme de « Cinémascope », nom du procédé lancé par la Twentieth Century Fox en 1953. Au générique de l’un des films, Bily de Bonchamps est crédité comme cameraman. Le même générique fait état d’un décorateur (Frederick), d’un script (Yves) et d’un preneur de son (Louis-Alex) sans qu’il soit possible de confirmer la véracité de ces crédits. Les images sont en effet tournées dans des décors naturels, ce qui rend bien superflu l’emploi d’un décorateur, et les films nous sont parvenus sans piste sonore.

Fait plus rare, les cartons et certains plans témoignent des opinions politiques du réalisateur. C’est tout d’abord son adhésion au maintien du territoire algérien dans la République française qui est fortement mise en avant dans chacun des titres. Des images en attestent, comme l’inscription « Ici la France » sur la digue du port d’Oran. De manière plus aiguë, dans une séquence de bains de mers filmée à Aïn el Turk en août 1959, un soldat dessine sur le sable une croix celtique, symbole du mouvement nationaliste français Jeune nation fondé en 1949. L’on retrouve ces croix au générique animé du film En Algérie française. Marnia. 1re partie. Les lettres MARNIA apparaissent ainsi fixées sur un train miniature dont les roues sont marquées de croix celtiques rouges. Et une photographie, conservée dans le fonds d’images fixes de Bily de Bonchamps, représente quatre soldats plongés dans la lecture de Jeune nation. Autant d’images qui confirment l’environnement idéologique du réalisateur.

Les films de Bily de Bonchamps s’apparentent à de passionnants carnets de voyage qui relatent ses activités militaires (cérémonies, convois de véhicules, permissions) et surtout une découverte émerveillée des villes et des paysages algériens (Bou Sfer, Tlemcen, Sidi bel Abbès, Oran).

Ces films sont consultables dans la médiathèque de l’ECPAD à Ivry-sur-Seine, ouverte à tous.

Olivier Racine

ECPAD - Pôle de conservation et de valorisation des archives

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